Ecrire est indispensable pour s’exprimer… par courrier… ces poèmes illustrés, témoignent de cette impérieuse nécessité.
Le collectionneur de boîtes aux lettres
J’en ai
Une pour mon chien,
une qui déménage tout le temps,
une qui enguirlande le facteur,
une enrhumée qui éternue sans cesse,
une qui collectionne les timbres,
une qui écrit chaque année au Père Noël,
une qui est pleine d’eau,
une qui n’a pas de nom,
une qui sert de nid à une famille d’oiseaux,
une qui passe son temps à se peindre et se repeindre,
une qui refuse la publicité,
une qui parle, qui chante, qui rit,
une énorme qui me sert de poubelle,
une qui ne veut pas rendre le courrier qu’on lui confie,
une qui a avalé un paquet qu’elle a du mal à digérer,
deux qui s’échangent leurs lettres une fois le facteur passé,
une qui me ressemble,
et une qui attend la lettre que tu vas m’envoyer
pour me dire si toi aussi
tu fais collection de Boîtes Aux Lettres.
Ce poème écrit à Paris en 1983 est une histoire de Michel Lafeuille,
il fut envoyé à Luce, sa fille par le futur créateur
du village des Boîtes Aux Lettres (1996).
Nine sa petite-fille illustratrice, lui répond, 35 ans plus tard,
en lui dessinant sa BAL.
Quand personne n’a le même nom, la même adresse, ni la même maison, pourquoi toujours la même boîte aux lettres ?
et la même fente pour les glisser ?
En mon absence voilà ce que dit cette petite maison qui porte mon nom : si tu t’en fous que ces petites boîtes soient toutes pareilles, car ton semblable est ton voisin, moi qui habite à côté aime afficher la différence, pour éviter une mer d’ennui quand vogue la vie.
Doit-on brailler à l’unisson la même chanson ?
Prendre le même chemin pour aller chez les Romains ?
Avoir les mêmes mots pour tout vous taire ?
Le même nez pour vous séduire,
le même tarin pour faire le malin,
un seul espoir, le même gros lot,
une seule nouvelle une même info,
le même chanteur dans le magazine,
le même refrain dans le magasin,
le même mâton pour les photos,
la même prison quand nous fuguons,
la mêeême boîte aux lettres pour tout le monde,
et pour nous tous le même courrier
à l’arrivée ?
Histoire de famille d’artiste. Mail-Art et lettre témoignage envoyée par l’artiste Pierre Prévost.
Histoire d’une famille étonnante
Courrier illustré par un « fou de Mail-Art », soutenant la démarche entreprise dans le village des Boîtes Aux Lettres
J’avais onze frères et sœurs à Saint-Martin-d’Abbat,
Je m’en vais aujourd’hui, vous raconter leur vie :
Le premier trop gourmand fut une boîte à biscuit,
Le deuxième, sa vie par les deux bouts brûla.
Puisqu’il choisit d’être boîte d’allumettes,
En trois c’était “gamin” qui fut boîte à bonbon,
Le quatre ayant l’esprit des dentelles et des fêtes,
Devint boîte à cigare au service d’un baron.
Tout comme la cinquième, qui aimait trop les sous,
Habitant le seizième, devint boîte à bijoux,
René fut le plus sage, aussi le plus gentil,
Au service d’un garage, devint boîte à outils.
Le septième c’est Émile, amoureux du grand large,
Au service d’un pécheur, il devint boîte à sel.
Rêveuse fut la huitième, d’Orient et de voyages,
Devint boîte à épices entourée de vaisselles.
Sa vie fut la plus courte, il avait un bon cœur,
Vivant en Normandie, on l’appelait Bé Bert
Ou l’existentialiste, et n’eut qu’un seul bonheur,
Celui d’un grand repas comme une boîte à camembert.
Elle aimait la cuisine, mais n’aimait pas les coups,
Voulant être appréciée, de celle qu’on réserve
Pour les grandes occasions, elle sert de chamboule tout,
Au stand d’un forain, comme boîte de réserve.
Elle fait de chaque jour, un horizon sans fin,
La plus joyeuse vie, fut celle de la Monique,
Je crois qu’elle vit toujours avec un musicien,
Puisqu’elle avait choisi d’être boîte à musique.
Enfin il y a moi, qui n’ai pas trop bougé,
Aimant bien mon village et d’amis entouré,
J’ai vu le monde entier défiler en courrier,
Joies, peines, hivers, étés, et des gens par milliers.
Mais une belle histoire depuis quelques années,
Une nouvelle vie s’offre à moi en gaieté,
De couleurs décorées, en roulotte habillée
Au facteur je dirai, au monde vous conterez
Qu’il n’est jamais trop tard et qu’une destiné
N’est surtout pas écrite, moi je peux le clamer,
Qu’il n’est pas de bonheur sans rires et liberté,
En toute chose, richesse est d’être différent.
ça vaut pour les êtres, même pour une Boîte Aux Lettres.